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Implants Files : la réponse d'un Chirurgien orthopédiste.


L'affaire dite des "Implants Files", révélée par un consortium de journalistes internationaux, dont Le Monde, constitue un nouveau scandale sanitaire. Je tiens à rappeler mon attachement au travail des journalistes, qui est indispensable pour pointer certaines insuffisances, voire dérives, de notre époque et, dans le cas présent, il est sûr que cela permettra d'améliorer nos pratiques.

Néanmoins, il me semble indispensable d'éclaircir quelques points.



Les données exposées dans la presse

Il faut reconnaître, à la lumière des données avancées dans les articles (par exemple sur le site du Monde) que :

- le processus d'évaluation des dispositifs, avant leur mise sur le marché, peut, dans certains cas, être très nettement insuffisant, impactant la sécurité des patients. Les articles font même état "d'un système établi et accepté" de conflits d'intérêt, voire pots-de-vin etc.

- le processus de suivi des éventuelles complications est, lui aussi, insuffisant, conduisant à une très probable sous-estimation des taux de complications.



Quelques précisions :

- tout d'abord, on ne peut pas, comme c'est fait dans les articles, regrouper des dispositifs aussi hétérogènes dans une même analyse. Le cahier des charge d'une prothèse de hanche est extrêmement différent de celui d'une prothèse d'épaule ; de là à les analyser comme un dispositif contraceptif ou une pompe à insuline...


- les Chirurgiens sont responsables devant leurs patients du type d'implants qu'ils choisissent de poser. Ces choix sont basés sur la confiance portée par les Chirurgiens envers un laboratoire, basée sur de nombreuses années de collaboration. Bien entendu, nous ne touchons aucune "prime" pour utiliser telle ou telle marque !

Le choix se fait habituellement vers un implant éprouvé depuis de nombreuses années, conçu par une équipe de chirurgiens parmi les plus réputés. Ainsi, j'utilise pour mes prothèses de hanche un implant posé depuis une quinzaine d'année dans le service qui m'a formé (l'Hôpital Raymond Poincaré à Garches), et qui a été conçu par entre autres le Pr Thierry Judet, considéré comme leur Maître par plus de la moitié des Chirurgiens parisiens en exercice...


- De plus, les implants sont souvent des évolutions progressives, tous les 5-10 ans environ, d'implants existants depuis plusieurs années. Et, on constate alors, bien au contraire, combien l'adjonction d'une modification mineure prend parfois des années en démarches administratives pour les laboratoires, avant qu'ils aient le droit de commercialiser, et donc de nous mettre à disposition, les dernières avancées technologiques ...


- Les articles indiquent que "les prothèses de hanche" sont classées en dixième position (tous implants confondus !) des plus nocifs. Il convient de préciser que cela désigne un type très particulier de prothèses de hanche, de type "métal frottant avec du métal", qui n'est plus posé depuis de nombreuses années (après avoir été, en outre, extrêmement marginal).


- ce système conduit à une sous-estimation des complications liées aux implants. C'est vrai concernant un type d'implant précis, quand une prothèse est posée rarement et de façon très disséminée sur un territoire. Les études internationales, actuellement plutôt bien conduites (en termes de rigueur scientifique et de puissance, càd avec un nombre important de patients étudiés) nous donnent des chiffres plutôt fiables sur les complications globales, d'un type d'implant générique (par exemple, prothèse de hanche metal - polyethylene). Mais le système français actuel, basé sur une déclaration des évènements indésirables sur une base du volontariat (malgré une théorique obligation), a montré ses limites ; en outre, un chirurgien constatant une rupture d'implant chez un patient, peut ne pas connaitre la marque de cet implant, si celui-ci a été posé ailleurs... Un recueil au fur et à mesure des poses d'implants, dans une base de données centralisée, permettrait de mieux connaitre les implants en circulation...



Enseignements

Au final, il convient de tirer tout de même des enseignements de ce "scandale", afin de répondre aux exigences légitimes de sécurité de la part de nos patients, qui nous font une confiance restant malgré tout quasi-aveugle.

Même si les points soulevés dans les articles ne sont pas forcément les plus pertinents, du point de vue de quelqu'un qui connait "l'envers du décors", il me semble important d'en retenir les enseignements suivants :

- il convient de rester prudents avec les implants issus de laboratoires à faible volume de pose (complications possiblement non détectées ?) ou à faible renommée (processus de fabrication moins rigoureux ?) ;

- il faut que les chirurgiens soient rigoureux :

- lors du choix des implants : études scientifiques de bon niveau disponibles sur l'implant évoqués ?

- lors de la pose des implants, bien indiquer les références dans différents dossiers, pour les cliniques et dans les compte rendus remis aux patients

- lors de la constatation (très rare, et généralement plutôt d'une à une erreur de pose) d'une défaillance d'implant : signaler l’événement aux Autorités Sanitaires de façon systématique.



Le big data, avec toutes les réserves qu'il comporte pour la vie privée et les risques pour la démocratie, pourrait au moins trouver des apports indéniables dans ce domaine...

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